Vendredi
01 Juillet 2005. Nous y sommes. Il faut y aller! Aujourd'hui au
Promontoire, pour la "Directe Sud" demain. Départ un peu tardif
(14h15) depuis le téléphérique de la Grave
à 2416m d'alt. Descente et traversée des moraines pour
arriver au pied des "Enfetchores" vers 2200m d'alt. Montée
régulière entre rochers, vires & cairns. Il faut
être vigilant. La face nord de la Meije est imposante lorsque
nous prenons pied sur le glacier vers 3000m d'alt. Glace et neige,
rimaye et raide éboulis assez instable pour arriver à la
Brèche de la Meije à 3357m d'alt. Le temps est
partagé entre éclaircies et brouillard. La descente sur
le Promontoire est facile et rapide. Il est 18h30 et l'heure du souper
arrive vite. Le ciel se dégage totalement à la
tombée de la nuit. Il fait froid, nous sommes à 3082m
d'alt., et les "Enfetchores" sont déjà une belle mise en
jambe avec un D+ = 1150m.
Samedi 02 Juillet 2005,
04h du matin. On se lève après une nuit d'un sommeil
très léger. Nous montons le 1er ressaut pour prendre pied
sur une vire descendante vers le couloir du Crapaud. Rappel de 45m.
Nous prenons pied sur le glacier des Etançons vers 3000m, que
l'on remonte sur près de 200m. On démarre la voie
à 06h, rocher humide et froid, 2 longueurs (IV maxi) pour
prendre pied sur le "Fauteuil", relativement sec.
On
monte en écharpe à droite, les difficultés
augmentent peu à peu (III, puis IV, puis IV+). Les longueurs
s'enchaînent en présence de 3 autres cordées. Un
mur raide avec un bi-doigt humide nous permet de traverser ensuite une
vire à gauche, belle ambiance et beaucoup de gaz. On arrive au
pied de la fameuse cheminée. Une longueur (IV+) s'avère
surtout pénible avec le sac à dos, puis quelques
mètres humides et un peu verglacés, une traversée
fine à gauche (V) pour quitter la cheminée. Nous montons
droit au-dessus (V/V+) pour revenir au-dessus de cette cheminée
verdâtre où pendent quelques stalactites. Une petite
longueur (IV) nous amène près du glacier carré.
Il
faut vite continuer, la route es encore très longue et il est
déjà 11h45. Une longueur raide (V), une autre encore plus
raide (V+ athlétique) et on prend une rampe ascendante vers la
droite, plus facile mais avec un rocher moins bon (passage du
"râteau de chèvre"). Plein gaz au-dessus du couloir issu
de la brèche Zsigmondy où le fracas des chutes de pierres
est incessant. Un peu de neige, un couloir très facile (III) et
on arrive près du dernier ressaut. Celui-ci est encore long, on
prend vers la droite, une belle traversée mais fine (V/V+), nous
sommes sans doute hors de la voie. On continue, c'est beau, mais notre
rythme s'est ralenti. Une longueur très dure (A0) nous confirme
que nous sommes sans doute trop à droite. Pas bien grave, mais
toujours pas le sommet! Encore 50m de corde en III, pour enfin fouler
ce sommet mythique à 3982m d'altitude. Quelle heure est-il? Ouf,
16h45 !!!! Beau temps, toujours du vent de nord en rafale avec des
nuages qui s'effilochent sur les crêtes. Belle atmosphère.
Nous avons eu relativement "frais" sur les 2/3 de la voie, et assez
chaud sur le dernier 1/3. Courte pause. La traversée des
Arêtes nous attend. Il est 17h passé....
Nous sommes donc au sommet du Grand Pic que je foule pour la
première fois. Et on sait que quelques soit la descente choisie
(Promontoire ou Aigle), elle est longue et non triviale. Nous
descendons en 3 rappels près de la brèche Zsigmondy
côté nord. On contourne la Dent Zsigmondy par la face nord
à l'aide d'un câble. Beaucoup de glace, puis c'est le
câble qui est trop haut et il faut remonter un couloir sur
près de 100m en glace et en mixte. La progression est
très lente, la fatigue est bien là, et ce passage
très physique n'est pas le bienvenue! 3ème Dent,
4ème Dent, lentement mais sûrement, rappel à chaque
fois pour en descendre. On arrive au pied du Doigt de Dieu après
un coucher de soleil magnifique et unique : l'ombre majestueuse du
Grand Pic avec le soleil orangé sur sa droite, l'ombre et la
verticalité du versant sud des Etançons, un vent glacial
et soutenu, une fatigue et surtout une soif extrême, les gourdes
sont vides depuis longtemps. Je mange un peu de neige mais ça
n'y change rien. L'ascension du Doigt de Dieu est facile (III-), nous
arrivons à son sommet à la nuit. Nous cherchons le 1er
rappel, pas évident à la frontale. Traversée pour
retrouver une excellente chaîne de rappel, puis un 3ème
rappel pour franchir la rimaye de nuit, à la frontale, sous un
froid très vif. Et cette soif... Pourtant, interdiction de
baisser l'attention. Glacier du Tabuchet, lentement, encore une grosse
crevasse. Enfin, nous arrivons au refuge de l'Aigle à 3450m
d'altitude. Il est.... 01h15 du matin.
Dimanche 03 Juillet 2005. On
se contentera d'une bouteille d'eau, il n'y a pas de place pour dormir
(50 pers. dans ce refuge 18 places), nous devons attendre 03h du matin
pour prendre la place des 1ères cordées qui partent.
Sommeil malgré beaucoup de bruit, petit déjeuner à
08h avec une belle tablée animée par des guides forts
sympathiques, dont un qui nous a accompagné (avec ses 2 clients)
tout du long depuis le Promontoire. Nous entamons la descente à
10h pour arriver au Pied du Col à 12h. Beau temps chaud.
Cet itinéraire, considéré comme l'un des plus
beaux de toutes les Alpes, je l'ai réalisé avec mon ami
François Thirion. Il me laissera un souvenir
impérissable. Mais mieux que de le raconter, il faut le vivre
pour véritablement comprendre.
42h au-dessus de 3000m, dont 07h au-dessus de 3900m
Un total de 27h30 d'ascension pour environ 6h de sommeil sur 3 jours.
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